Histoire





Pour cette section, je me suis inspiré de plusieurs sources dont le livre de Sam Nieswizski, intitulé "Rollermania", aux éditions Découvertes Gallimard et celui de Jean-Christophe Berlot, "Les riches heures du patinage", aux éditions Mango Sport.

Des patins à glace constitués de maxillaires inférieurs d'équidés ont été découverts dans plusieurs pays d'Europe, datant du paléolithique supérieur. Ainsi, l'homme de cro-magnon était déjà un patineur.

Les patins ont très longtemps été un simple outil de déplacement sur les zones glacées. Progressivement, ils serviront à des activités physiques. Mais dans de nombreux pays, il n'est possible de patiner que lors des saisons froides.

Au XVIIIème siècle, certains ont donc eu l'idée de fixer des roues sur leurs lames de patins. Le nombre des roues variait entre deux et six par patin et elles étaient alignées. Le premier inventeur officiel était John Joseph Merlin avec ses roulettes métalliques vers 1760. Ses patins ont très peu servi car les chutes étaient fréquentes et douloureuses. Van Lede, un hollandais vivant en France créa en 1789 des patins nommés "patins à terre", permettant de se déplacer en extérieur.


Les patins de Van Lede

En 1819, le français Petibled fut le premier à déposer un brevet. Ses patins pouvaient être en bois, en métal ou en ivoire, une vis placée sous le talon servait d'arrêtoir. Ils étaient montés à la chaussure ou garnis de courroies. Les essais étaient très satisfaisants mais le poids, l'imprécision des patins et l'inégalité des terrains étaient des obstacles à un grand succès. Plusieurs inventeurs se succèdent : Spence, Tyers (1828) et des roues de diamètres différents pour une meilleure maniabilité, Löhner (1825) et ses patins "volito" (les premiers dont les roues ne sont pas alignées). Jean Garcin, un patineur à glace célèbre inventa en 1828 le patin "cingar", qui grâce à une bonne publicité eut beaucoup de succès et fut fabriqué jusqu'en 1839. Louis Legrand eut également du succès en 1849, lorsque Meyerbeer créa son opéra intitulé "Le prophète" et lui demanda de lui construire les patins, les entretenir et en expliquer le maniement aux danseurs. Cette oeuvre fut l'une des premières à utiliser le patinage et fut jouée dans toute l'Europe et les Etats-Unis. Les patins de Legrand, bien que moins élaborés que ceux de Garcin ou de Tyers, furent utilisés jusqu'en 1876, à l'aide de la notoriété de cette oeuvre. Des écoles sont mises en place, la plupart du temps dans des gymnases.


Les patins de Garcin


Les patins de Tyers


Les patins de Legrand

L'année 1863 est une révolution avec les patins de James Leonard Plimpton. Les roues cessent d'être alignées et sont orientables par l'utilisation d'essieux mobiles. Il est alors possible d'exécuter des figures. Ces patins, appelés "rocking skate" sont également équipés d'un système de lubrification, une graisse étant stockée dans un petit réservoir.


Les patins de Plimpton

L'année suivante, l'anglais Johannes Badrutt, qui a acheté un hotêl à Saint-Moritz (Suisse) propose à ses hôtes fortunés, venues pour des cures en été, de revenir gratuitement pendant l'hiver car ils ne veulent pas croire qu'il est beaucoup plus agréable que l'hiver anglais. Ils viendront et apprécieront. L'hiver suivant, l'hôtel est plein de touristes anglais qui se reposent, font de la luge, du ski ou bien patinent sur le lac gelé : ce sera le début des sports d'hiver.

Les patins de Plimpton ne seront pas commercialisés aux particuliers mais mis en location dans des patinoires spécialisées : les "skating-rinks". Patiner sur roulettes devient "skatiner", et les patineurs deviennent les "skatineurs". Cependant, ces patins étant lourds et salissants (à cause de la graisse), les anciens modèles seront encore utilisés.

Tout comme il existait des lieux de patinage à glace (le palais de glace en France), les skating-rinks furent construits en nombre aux Etats-Unis et en Europe. Des pistes de plus de 2000 mètres carrés, très luxueuses, étaient surtout réservées à la bourgeoisie. Cependant, la mode allait retomber, et en 1880, un seul rink existait encore à Paris, contre une quinzaine quelques années plus tôt, alors que le palais de glace restera encore ouvert au XXème siècle. Le système des tubes de refroidissement permettant de créer la glace dans les patinoires a été inventé en 1865 mais vraiment utilisé que de nombreuses années après car faire de la glace est très onéreux.

Avec ces lieux de patinage seront créées les premières figures. Les américains Fuller et Haines, excellents patineurs, sur glace comme sur roulettes, donnaient des démonstrations et créaient des figures originales telles que des pirouettes. Des compétitions sont organisées. En 1868, Jackson Haines propose de danser en musique à Vienne, où il rencontrera un énorme succès. Lors des premières compétitions internationales de patinage artistique sur glace, en 1882, il y a alors l'épreuve des figures (imposées et de création) et l'épreuve de patinage en musique, inventé par Haines, correspondant au programme libre actuel. On peut alors parler de patinage artistique, car il ne s'agit plus uniquement d'une activité technique. Sur la tombe de Haines est inscrit "le roi des patineurs".

L'autre révolution concernant les patins à roulettes sera l'utilisation du roulement à billes pour les patins. Ce sera à la fin du XIXème siècle, par Levant Marvin Richardson. Les coussinets cylindriques en caoutchouc ramenant les essieux à leur position d'équilibre étaient la deuxième innovation qu'il apporta par rapport aux patins de Plimpton. Seules les roues en matières plastiques apporteraient ensuite une innovation réelle. Les patins de Richardson et leurs copies seront alors très utilisés. La fin du XIXème siècle sera aussi la grande mode des patins en ligne appelés cycles-patins, bien avant celle des rollerblade depuis les années 1990.

En 1893, l'ISU (International Skating Union) décide de mettre en place des championnats internationaux, mais faute de règlements bien établis, il y a polémique sur le classement et les championnats sont annulés. Les systèmes de notation sont alors définis. Les sauts réalisés par les patineurs actuels sont inventés à cette époque. L'axel est l'oeuvre du norvégien Axel Paulsen dans les années 1880. Le suédois Ulrich Salchow invente le saut du même nom en 1910, tandis que l'allemand Werner Rittberger crée le saut de boucle. L'autrichien Aloïs Lutz est l'auteur du saut du même nom, mais on sait très peu de choses sur lui. A noter qu'en 1902, une anglaise, Madge Syers, s'inscrit à des championnats, où elle pourra participer car aucun texte officiel ne l'interdit. Elle terminera deuxième mais les championnats seront interdits aux dames juste après, au prétexte que les robes sont longues et cachent les mouvements des pieds. Elles attendront 1906 pour avoir leurs championnats.

Tous ces champions peuvent aussi patiner à Saint-Moritz. Hans, le petit-fils de Johannes Badrutt, les invite afin qu'ils offrent des démonstrations aux hôtes du Palace, hôtel ouvert par son père Caspar. Pierre et Andrée Brunet, Sonia Henie ou encore Gillis Grafström peuvent ainsi s'entraîner sans trop dépenser, sur le lieu où se déroulent régulièrement des compétitions, comme les jeux olympiques de 1928 et de 1948. Le patinage sur glace est sport olympique dès les premiers jeux d'hiver à Chamonix en 1924. Les compétitions en extérieur ont été supprimées en 1967 car les caprices de la météo risquaient de repousser les épreuves, et la glace n'était pas toujours très régulière, cependant le cadre était exceptionnel. Un autre lieu d'entraînement reste le palai de glace, où Pierre Brunet conçoit ses programmes au début du XXème siècle. Mais il n'existe pas de leçons, il faut apprendre les figures dans les livres, et la piste est ouverte au public d'où un manque de place.

Concernant le patinage sur roulettes, les années 1910 marquent un retour en force après une période de délaissement. Le public eut un grand intérêt pour le sport en général et le patinage en particulier. Plusieurs établissements ouvrirent leurs portes (une douzaine à Paris) et les compétitions sportives vont se faire de plus en plus nombreuses. Venu des Etats-Unis, le polo sur roulettes deviendra progressivement le rink-hockey, en s'inspirant du hockey sur glace, tout en s'en différenciant. Des concours de danse sont organisés. Les roues sont en métal (acier, fonte, aluminium), en bois (frêne, buis), en fibre (mica), ou parfois en cuir de buffle. Dès 1884, des records de vitesse ou d'endurance ont été établis. La FPRS (Fédération des patineurs à roulettes de France) est créée en 1910 et organise les premiers championnats de France, comportant trois épreuves (figures, vitesse et rink-hockey). Les épreuves de figures comprennent les figures imposées (parfois très complexes avec des formes telles que des rosaces) et les figures libres. En vitesse, il y a l'épreuve du 1km et celle du 30km. Une course est très réputée entre 1910 et 1914, celle du patin d'or, se déroulant pendant 24h en continu, où certains patineurs parcouraient plus de 450km. Certaines personnes, trouvant l'effort trop important, inventent des patins à moteur, tel Constantini en 1906.

Après la guerre, le patinage sur roulettes est délaissé par les adultes pour devenir un jeu pour enfants avec des patins simples, peu onéreux et à courroies. Les seuls adultes à patiner font de la compétition et leurs patins subiront des améliorations techniques. La FPRS est dissoute en 1925, remplacée en 1926 par la FFRH (Fédération française de rink-hockey). Les compétitions internationales apparaissent : les championnats d'Europe de rink-hockey en 1926 et du monde en 1936, ceux d'Europe de figures et du monde de vitesse en 1937, ceux du monde de figures en 1947. En 1935, à Chicago, est crée le roller derby, appelé roller catch en France, où il apparait en 1939. Dans un vélodrome, deux équipes mixtes s'affrontent dans une course où presque tous les coups sont permis. A la même époque, la troupe des Skating Vanities fait une tournée mondiale à succès. Il s'agit d'un spectacle comparable à celui d'Holiday on Ice. Depuis plusieurs années déjà, des numéros de patineurs sont présentés dans des cirques.

La patineuse allemande sur glace Charlotte réussit à être en tête d'affiche à Broadway durant 300 jours en 1915. Elle est connue pour être la première à avoir réussi un axel et comme l'inventrice de la spirale de la mort. Les spectacles sur glace vont alors être de plus en plus nombreux aux Etats-Unis, offrant aux champions la possibilité de vivre de leur sport.

En 1931, le suédois Gillis Grafström effectue une exhibition de figures au sol, le spectacle étant les traces de la lame sur la glace. Les figures ont une influence très importante dans les classements, cependant elles ne sont pas très populaires, les spectateurs préférant voir le patinage libre. Devant la polémique des classements favorisant les patineurs de figures, ces dernières compteront moins à partir des années 1970, et le programme court apparaîtra. Elles dispararaissent complètement lors de l'année 1990.

La danse sur glace sera présente aux championnats du monde en 1952, et aux jeux olympiques en 1976. Cette discipline est parfois confondue avec le patinage par couple, présent aux compétions depuis 1908. Le patinage par couple présente les mêmes difficultés que le patinage individuel, auxquelles s'ajoutent les sauts lancés, les pirouettes en couple, les portés. En revanche, en danse sur glace, il n'y a pas d'acrobaties, mais une recherche esthétique de pas et d'attitudes.

La seconde guerre mondiale apporte un nouveau coup d'arrêt au patinage sur roulettes. En 1979, l'apparition des roues en plastique va donner un nouvel essor. La FFPR (Fédération française de patinage à roulettes) deviendra la FFSPR (Fédération française des sports de patinage à roulettes, puis en 1990 l'actuelle FFRS (Fédération française de roller skating). En 1980, le disco, la rando et l'acrobatique au Trocadéro sont de plus en plus pratiqués. Les années 1990 apportent un nouveau changement avec les patins en ligne, utilisables grâce à de meilleurs matériaux que ceux qui existaient dans le passé. Les patineurs de vitesse adopteront ces patins, qui leur permettent de meilleures performances. Les randonneurs, dans leur très grande majorité patinent également en ligne. Le roller hockey est créé, et correspond beaucoup au hockey sur glace, contrairement au rink-hockey. Seul le patinage artistique se pratique davantage sur les patins à deux rangées, qui permettent d'exécuter davantage de figures. Cependant des patins en ligne pour l'artistique existent, et sont régulièrement améliorés par les patineurs à glace ou d'anciens champions du patinage artistique sur patins traditionnels.

Les dernières années ont également vu l'arrivée d'autres disciplines, aussi bien sur glace que sur roulettes : le patinage synchronisé et le ballet.

Quelques premiers sauts du patinage artistique sur roulettes :
1940 : premier saut en compétition (lutz par B. Towle)
1940 : premier saut double (double salchow par S. Baxter)
1959 : premier saut triple (triple boucle par Genearless)
2002 : premier triple axel par Luca d'Alisera

Quelques premiers sauts du patinage artistique sur glace :
- Hommes :
Dick Button (USA) : double axel, triple boucle (premier triple) (1952)
Don Jackson (Canada) : triple lutz (1961)
Vern Taylor (Canada) : triple axel (1978)
Kurt Browning (Canada) : quadruple boucle piquée (1988)
- Dames :
Jacqueline Du Bief (France) : double lutz (1949)
Denise Biellmann (Suisse) : triple lutz (1978)
Midori Ito (Japon) : triple axel (1989)

Les différences glace/roulettes :

Comme nous l'avons vu, le patinage sur roulettes a essayé de reproduire ce qui existait sur glace, non sans difficultés. Il aura fallu une évolution des matériaux et des techniques pour parvenir à des résultats satisfaisants. Par conséquent, les pratiquants étaient bien moins nombreux et il fallait faire d'avantage d'effort physique. Voici déjà quelques avis sur le patinage à roulettes donnés par des amateurs du patinage à glace au XIXème siècle : "Les résultats sont trop restreints pour qu'il soit nécessaire de donner la description de ce genre de patinage excentrique. [...] Il n'est pas possible de comparer les parquets, les asphaltes, à la surface polie, brillante d'une belle glace qui peut seule, par son étendue, permettre au patineur les évolutions les plus hardies" ; "Une pierre, un gravier, un bout de cigare, un fétu rencontrés à l'improviste suffisent à renverser l'individu le plus expérimenté" ; ou encore "La fatigue causée par ces roller-skates est quadruple de celle causée par les patins à glace". On ne peut que donner raison à l'auteur de ce dernier commentaire, car en effet, le patinage sur roulettes est plus physique que celui sur glace. Cependant, le poids et la qualité du matériel sont en constant progrès, et la différence de niveau technique est de plus en plus fine.

De nos jours, le patinage sur roulettes offre davantage de possibilités d'activités que la glace. En effet, le patinage acrobatique sur rampes et tremplins ou bien la randonnée sont propres au patinage sur roulettes, et toutes les activités de la glace ont une ou plusieurs adaptations sur roulettes. Cependant, pour les activités existant dans les deux patinages, la glace reste généralement beaucoup plus connue. Les patineurs à glace ignorent souvent que leur discipline existe sur roulettes (vitesse, artistique, ...). Les compétitions sur glace sont souvent retransmises par les médias car la glace reste un milieu extraordinaire, que les spectateurs rencontrent rarement. Le patinage sur roulettes peut être populaire dans les pays chauds où les patinoires à glace sont très rares ou inexistantes.

Enfin, je terminerai par une comparaison du patinage artistique. Bien que l'effort reste plus important sur roulettes que sur glace à cause du poids des patins, les difficultés présentées par les meilleurs patineurs mondiaux sont très proches. En effet, certains patineurs à roulettes réussissent le triple axel (trois tours et demi en l'air) et travaillent les quadruples sauts à l'entraînement que leurs confrères de la glace réussissent en compétition. Alors que les figures exécutées sont la plupart du temps les mêmes, la technique de patinage est complètement différente. Les pirouettes sur roulettes peuvent être plus variées, car elles peuvent être exécutées à plat, sur le talon (seules les deux roues arrière touchent le sol) ou sur la tranche (seules deux roues lattérales touchent le sol). En glace, une pirouette ne peut se faire qu'en menant le poids du corps légèrement vers l'avant de la lame, empêchant ainsi de prendre par exemple la position pirouette renversée. A noter que le patineur américain sur glace Michaël Weiss utilise de nouvelles lames permettant de patiner sur le talon, donc les possibilités pourraient augmenter si elles sont adoptées par de plus en plus de patineurs. Mis à part l'effort, la difficulté de patinage est la même. Il est inexact de croire qu'une lame fine soit moins stable que deux rangées de roues, car la lame accroche la glace, ce que ne font pas les roues (lisses et dures sur sol lisse et dur), qui de plus ne sont pas fixes. Personnellement, je reprocherais au patinage sur roulettes de ne pas montrer l'étendue des figures possibles à réaliser lors des programmes de compétition, en ne présentant par exemple que des pirouettes allongées ou renversées car elles donnent davantage de points. Mais cela est dû aux règles internationales de jugement ...

Quant au patinage artistique inline, il se développe progressivement et ressemble à un croisement des deux autres patinages. Du point de vue des sauts, certains patineurs réussissent la triple boucle piquée ou le triple salchow, et du point de vue des pirouettes, il est possible de réaliser celles de la glace et les pirouettes sur le talon. Pour ma part, je trouve que la glisse est meilleure avec les patins inline, mais il faut un certain temps pour maîtriser les carres. Le futur nous dira s'il est possible d'atteindre le niveau qui existe avec les patins traditionnels.